Nous quittons Ulcinj de très bonne heure, après une nuit plutôt bizarre chez notre hôte d’une nuit. Il était quand même gentil « Dado » comme il se prénomme. Héberger des touristes à des prix supérieurs à la moyenne, c’est son système D, son gagne pain. Et cela nous fait relativiser, on joue le jeu en quelque sorte.
Nous nous arrêtons dans une « pekara », une boulangerie dans Ulcinj pour prendre un bon petit déjeuner avant de partir en direction de l’Albanie.

Nous rencontrons à la frontière Stéphanie, une canadienne, amoureuse du voyage à vélo, qui termine une mission en France en rejoignant Athènes à vélo depuis la France. Nous parcourons une petite dizaine de kilomètres ensemble, c’est toujours un plaisir de rencontrer des vélo-voyageurs. Nous partageons les mêmes contraintes, les mêmes plaisirs.


Ne connaissant pas le pays, nous décidons de nous arrêter dans un camping non loin de la frontière, là où nous avons repéré 2 réparateurs de vélos. Le tandem Pino commence à nous montrer des faiblesses au niveau de la roue arrière, il faut remplacer quelques rayons. Il fait doux, le camping est pourvu d’une piscine, chouette !


Dès nos premiers kilomètres en Albanie, c’est le dépaysement total. Les paysages sont redevenus plats par rapport au Monténégro mais surtout… Nous rencontrons une multitude d’animaux sur la route : ânes, vaches, chevaux, poules, chiens…



Justement en parlant des chiens, Rose et moi en avons une peur bleue. Même pas la peine de parler de gestion des émotions, nous nous liquéfions sur place, quelle que soit l’intention dudit canidé. Et bien notre séjour dans ce pays nous aura permis de nous réconcilier avec les chiens. Nous avons été surpris ou apeurés quelques fois, par des chiens sur la défensive. Mais au final, la plupart cherchent principalement à manger et à entrer en contact, surtout avec les enfants. Les chiens errants sont vraiment calmes et passifs envers les vélos.


En Albanie, la pauvreté se ressent partout. Elle n’est pas triste, bien au contraire. Les albanais sont d’une générosité hors pair ; toujours prêts à rendre service ou à offrir quelques fruits et légumes de leur jardin. Nous n’avons pas compté le nombre de kilos de grenades et de mandarines offerts, mais il se compte sans conteste en dizaine !
Nous attirons la curiosité de nombreux enfants qui nous arrêtent « Hello, what is your name ? », nous parlent et nous posent des questions sur nos vélos, notre équipement électronique. Au départ, nous étions sur la réserve. Nous nous sommes vite rendus compte que ces enfants découvraient souvent pour la première fois un tandem, une caméra, même nos casques de vélo, inexistants dans ce pays.


Pauvreté certes, mais des Mercedes partout ! Les Mercedes en Albanie, c’est culturel, un signe fort et visuel de réussite et d’aboutissement. Cette marque représente près de 70% du parc automobile albanais.

Le 27 octobre, après un bivouac sauvage dans un parc, nous prenons la route pour la capitale Tirana. Nous savons que nous nous y arrêterons 3 nuits, pour nous rendre chez un autre réparateur de vélo. Les freins du tandem doivent maintenant être purgés. C’est l’occasion de s’arrêter, se reposer et faire l’école sur de longues séances avec les enfants qui jouent toujours le jeu. Ils ne réalisent pas qu’en France c’est les vacances, chut 🙂 Nous avons été imprimer des nouveaux exercices ludiques, ils s’occuperont un bon moment sur ces activités.



Tirana est une capitale moderne, très agréable à vivre, plutôt éloignée du style de vie rural que l’on voit par ailleurs dans le pays, un vrai contraste (à nos yeux).



Le 30 octobre, nous allons vers Durres rejoindre la côte. Nous faisons de belles étapes ici, 50 à 60 kilomètres, point de dénivelé à l’horizon. L’occasion pour Gustave de tester le vélo 20 pouces de sa grande sœur lorsqu’il est attaché au tandem. Jeanne, quant à elle, est ravie de passer devant le tandem.




Arrivés un peu avant Durres, nous nous arrêtons dans une épicerie familiale pour acheter quelques courses. Le gérant nous questionne et nous sympathisons très rapidement grâce à sa nièce qui parle anglais. Il souhaite que nous restions dormir chez lui. Les enfants sont ultra excités, trop même… Ils crient, gesticulent, courent dans tous les sens. Nous ne le sentons pas et déclinons la proposition.

Nous roulons plusieurs kilomètres en cherchant un spot pour la nuit avec un sentiment de tristesse. Une personne nous a tendu la main et nous avons refusé. Nous nous sentons mal. Nous avons tenté d’expliquer que les enfants étaient trop excités pour rester et espérons qu’ils ont bien compris. Voyager avec des jeunes enfants c’est aussi, parfois, faire des compromis et s’adapter à l’humeur de nos chérubins.
Nous sommes en pleine ville, nos espoirs de bivouac s’amenuisent. Il fait nuit. Depuis le changement d’heure, le soleil se couche à 16h30 et cela a considérablement réduit nos journées. Nous trouvons un appartement pas cher à 4 km, on allume nos lumières et c’est parti. Comme en voyage, une peine est vite chassée, nous rencontrons des hôtes merveilleux. Un papa qui, malgré la barrière de la langue, restera avec nous de longues minutes pour parler de notre voyage, impressionné par notre démarche. Nous repartirons le lendemain les sacoches chargées de mandarines et de délicieuses grenades.


Le 31 octobre, nous prenons la direction de Fier. Nous avons paramétré notre GPS pour éviter les grands axes. Mais en Albanie, c’est vite des chemins… pleins de boue ou sans bouches d’égout. Nous devons être vigilants. Ce matin là, 300 mètres d’un chemin le long d’un champs et c’est 3 heures de notre journée perdues ! Nos vélos se sont embourbés et les roues de nos vélos n’avancent plus. Jeanne dira « je comprends mieux à quoi sert un garde boue ». Nous restons 1 heure à essayer de trouver des bâtons pour libérer nos vélos. Ils sont dans un état… Un paysan passe par là et nous dit de venir chez lui, il a un point d’eau.



Avec sa femme, ils se feront un point d’honneur à laver nos vélos. Même pas le droit de toucher à la brosse. Nous sommes limite gênés devant tant de gentillesse et de serviabilité. C’est spontané et sans intérêt sous entendu.


Alexandre aura même le droit un verre de Raki maison. Moi (Aurélie) j’ai bien essayé d’en obtenir un mais visiblement, c’est une histoire de bonhomme !

Nous reprenons la route à 14h, il ne reste que 2h de vélo avant la nuit. Nous décidons de nous arrêter dans un camping en bord de mer.

C’est Halloween, simplement, les enfants auront le droit à une petite sucrerie.







Le temps commence à changer et la grisaille s’installe peu à peu.



Nous nous arrêtons dans la ville de Vlora pour 2 nuits. Ville balnéaire « classique », qui nous fait du bien après des routes très rurales en Albanie. Nous nous baladons en bord de plage et nous rencontrons même des bus Rouennais !



Pour atteindre la Grèce en suivant la côte, il faut passer une chaîne de montagnes avec des cols à 900 mètres. Au début, nous sommes motivés pour tenter l’affaire. Puis après un moment de reflexion, nous ne savons pas si nous allons réussir. Face à nos doutes, nous décidons de prendre le bus. Pas une mince affaire avec nos 4 vélos mais en Albanie, il y a toujours une solution !
Nous nous levons à 5h pour attraper le bus de 6h45. Le chauffeur voit notre convoi et nous dit qu’il faut démonter nos vélos et qu’il n’a pas le temps d’attendre. Petit coup de pression. On remonte à la gare routière, le prochain et dernier bus part à 8h30. Le bus dispose d’un coffre, certes volumineux, mais bien trop petit pour nos 4 vélos. Je commence à me dire qu’il va falloir pédaler dur quand le conducteur nous répète « no problem, no problem ». Mouais no problem, je ne sais pas comment il va caser nos 4 vélos et 15 sacoches ! Bien il va y arriver ! Il nous propose un prix pas du tout local… C’est le jeu ma pov’ Lucette… Nous sommes touristes, assimilés à une certaine richesse. Nous relativisons, il nous aidera à charger et décharger, sans nous mettre la pression et il gonfle un peu (beaucoup ?) les prix. Nous ne nous attachons pas à cette partie économique, ce serait peine perdue. Si cela peut lui mettre du beurre dans les épinards…


Nous restons à Saranda une nuit et repartons le 7 novembre en direction de Igoumenitsa en Grèce. Mais le beau temps n’est plus du tout avec nous ! La pluie, ça peut encore aller. Mais nous essuyons orages sur orages et devons nous abriter.

Arrivés à Kamsil après 15 kilomètres, nous rencontrons 2 couples de cyclos qui décident de s’arrêter pour la nuit. Nous espérons une éclaircie. Nous l’attendons. A 15 heures, nous nous rendons à l’évidence, l’orage est bel et bien là. Nous décidons de prendre un appartement pour la nuit et invitons un couple de cyclos marseillais, Mathilde et Quentin, à venir boire l’apéro. Que ça fait du bien de recevoir et parler français une soirée ! Chouette dernière soirée en Albanie en leur compagnie. Nous les rencontrerons même sur notre route en Grèce, à lire dans les prochains épisodes !
Notre aventure en Albanie a été signe d’étonnement et de dépaysement. Nous ne nous attendions pas à un pays authentique, beaucoup moins développé que ses pays voisins. Nous ne pouvons pas rester indifférent à ce genre de pays, on aime ou pas. Tout n’est pas « beau » comme sur des cartes postales, nous ne nous sommes pas attardés sur les zones de décharge sauvages par exemple. Mais ça en fait partie.
Nous retiendrons la gentillesse des albanais et leur facilité à entrer en contact avec les gens. Une vie où il y a une solution à tout, même avec de modestes moyens !